Antre Rouges // Pam

La Voix de Pam captée et traduite lors de la performance du 14 octobre 22

Entre les rives garder l’oeil ouvert // série sur rebus de dibond, peinture à l’huile

Antre Rouges par Davide Musco, Curateur et artiste

« Ici on retourne la peau, on se découvre mammifères, on se laisse doucement couler hors de notre ego.

Les murs et les coins d’une vieille chapelle se présentent en guise d’un ensemble organique, un rappel à l’intérieur d’un ventre, calme, chaud, vivant.

Pendant une résidence de quelques mois dans une cellule d’un ancien hospice, entourée du silence et du passé qui caractérise cette ancienne salle de bain, Fanny de Rauglaudre s’est élargie elle-même dans l’espace.

Première intervention dans la cellule, dévisser l’outil que permet la fermeture de la porte de l’extérieur, symbole d’une intention libératoire, souvenir d’un soi enfermé.

Puis, les mots commencent à tracer l’espace. Un texte, ‘C’était surtout des cachalots’, apparaît sur un côté de la baignoire.

Une réflexion faite de poésies, études, dessins et peintures se déroule et s’intègre dans la cellule.

Tout part d’un rêve: une montée des eaux à Bordeaux, qui envahit tous les trottoirs. Des créatures marines peuvent rentrer en ville et nager librement entre les jambes des passants de la rue, comme n’importe quelle créature libre dans son écosystème. Et pourtant, les magasins sont conçus pour empêcher l’accès à ces créatures: leur porte est trop étroite par rapport à leur taille. Impossible pour eux de passer. Mais pourquoi cette discrimination?

Au carrefour des rêves et de l’expérience de vie, naît la narration mythique de Pam, un cachalot (une cachalote) perdue dans la Senne bruxelloise. Le cétacé prend son nom de l’actrice d’Alerte à Malibu (Baywatch), pour une coïncidence de forme et d’intention. Les deux partagent une silhouette rouge et voluptueuse et sauver les perdues en mer, c’est leur métier.

Mais la similitude s’arrête là. Qui est en vrai « Pam », cette créature des rêves, cette idée d’un corps?

Une curieuse communion physique et télépathique s’établit entre Fanny et Pam: les deux communiquent sans s’être jamais rencontrées et pourtant elles partagent leur sang, leur chair. Le corps s’involue, puis explose, s’étale et se fait paysage: là, dans l’espace, on trouve peut-être une évolution qui n’a plus rien de l’individu.    

Tout en partant de ce sentiment d’ouverture, d’accueil, un tapis rouge, comme celui utilisé pour les soirées de gala est le matériau dont on trouve les contours de Pam. Un tapis qui, pourtant, n’est pas fait pour n’importe qui: sa disposition suit le besoin de l’animal, qui dort à la verticale. Mais ici tout parle d’elle, ou encore tout est elle.

Dans les grandes plaques en pastel, souvenirs des figures humaines et marines, qui gardent une puissance de vie commune, primitive. Une grande Vénus prend sa place, manifestation de la terre et de l’enfance, allégorie d’une féminité intime qui représente un mystère universel.

Et encore, sur la surface des plaques en aluminium apparaissent des visions d’eau, des vagues et des silhouettes à peine reconnaissables, tout comme des transpositions du regard inconnu de la créature. « Entre les rives, gardez l’œil ouvert »: où poserait-elle ses yeux, perdue dans la rivière oubliée de la Senne? Peut-être, dans la communion des sens, on retrouve une existence et une compréhension vaste, plus juste pour nous, en dialogue avec notre espace de vie. Et alors, dans un nouvel écosystème aquatique qui est partagé par toutes créatures vivantes, on ne se demandera plus qui on est, mais qui rêve qui. »

%d blogueurs aiment cette page :