Sur le process, sons et textes imprimables

Nativa et la peinture (sur Offensive de la Douceur, notamment)

Je m’évertue à glaner au levant l’innocence des bêtes qui après leur nuit se mettent en quête de manger boire vivre. Je m’acharne à omettre l’histoire, la mienne, la notre, la leur ou je m’obstine à la connaître jusqu’à la savoir par cœur, la mienne, la tienne, la notre, la leur avec les omissions et les terres laissées blanches à mon savoir ou aux failles de ma mémoire.

Je vis comme une “nativa” avec mes rides et mes chaos tenus à bouts de bras, aux bouts des yeux. Je peins faute de mieux, je peins comme je ferai une mayonnaise, j’adore les deux, je peins les moments aveugles que je trouve souvent dans le silence penché sur ma respiration et sur la couleur, sur cette abstraction qui revient, qui s’y autorise.

Seuls guides : rides, chaos puis vide. Il reprend sa place au centre. Je peins comme je ferais une mayonnaise, avec ces éléments-là et comme je crie au vent chargé d’embruns ma rage et ma joie de vivre, je crie cette intensité, je vocifère silencieusement à coup de pinceaux et de pigments comme je saurais le faire face à un public sur une scène et ses lumières nous séparant. Dans ce vide, le calme, ça peint.

Sinon, je chuchote, mots pour moi, tendresses parfois, plus pour les autres que j’arrive à voir, avec mon prisme certes, mais avec ma voix qui cherche, qui sait. Alors, elle dit spontanément, ou alors, elle reste aphone ou peint, le reste du temps.

La peinture, c’est l’absolue solitude, c’est l’absolue silence, c’est le vrai calme pendant. C’est le dynamisme et l’agitation dessus. Pourtant, véritablement, c’est le calme dedans. C’est d’un calme la recherche de ces instants aveugles et c’est étourdissant de les trouver. On ne les voit souvent que bien après, quand on regarde, qu’on s’autorise à regarder, à plonger “dedans”.

Quand on peint, c’est pas le même “dedans”, c’est autre chose, c’est être ces “instants aveugles”. Puis pouvoir les voir après coup, c’est tenter d’y entrer pour la première fois. On peint on crée une serrure et voir véritablement sa peinture, c’est détenir la clé, la clé de lecture, non pas de l’aveuglement ni du vide, mais d’autre chose. Je ne sais quoi. Et je ne l’ai pas toujours, ni même tout de suite.

Cette série me paraît mystérieusement évidente. Je n’ai pas cherché grand-chose, je n’ai même rien cherché. J’ai vécut. Beaucoup, avant, pendant, après. L’intensité était là déjà, bien avant tout. Je n’ai fait que vivre. C’est tout. Et c’est cela cette série.

Horizon…verticale!(Principe-Filtre)

La nécessité a été mon principe horizontal, dire, peindre, danser, crier, dessiner, écrire…mon socle, ma propre écorce terrestre où pouvoir enfin marcher.

« Je cherche quelque chose que j’ignore mais qui me guide », comme l’impression à travers chacun des petits ou plus ou moins grands formats, des esquisses, des textes, des images, des réussites comme des in-aboutissements, des ratés, des brûlés, de ceux qui moisissent encore dans un grenier, des sons numériques, des ambitions sans prétentions… que se réalise pierre après pierre (à la manière de la construction d’un Igloo ou d’un kerther, circulaire), ce dôme où je pourrais vivre un jour, ce toit sur la tête que je cherche, cette structure qui pourrait me contenir sans en être contraignante, une sorte d’univers en soi, une ambiance aux strates plus ou moins visibles. Cet endroit de confiance. (ce cadre…?)

Pour s’exposer au monde, ne faut il pas au moins cela ?

Le principe vertical se cherche donc, c’est mon guide, je l’aperçois parfois, je peux décrire son épaisseur, sa texture, ses couleurs, je ne trouve pas tout à fait les mots justes encore… parce qu’il a ce côté « carotte » qui me fait avancer. Aujourd’hui, après quelques années à porter des parenthèses-protectrices pour l’occulter ainsi que ma soif de feu et d’expériences à risques, j’ôte le voile et tâche de voir comment j’ai pu m’acclimater ici avec cette structure construite sur les chaos d’autrefois en faisant mine justement de ne les avoir jamais traversés… Si je suis parvenue à faire illusion jusqu’à moi-même y croire à « mon » conte consensuel, comment retrouver de manière saine, l’exploration sincère laissée derrière? Aujourd’hui, reprendre le chantier de ce sentier en parlant du principe « Fanny » n’est pas une mince affaire, comme si ses dimensions propres ne pouvaient souffrir d’un simple mot, d’une simple phrase (ce texte en est la preuve).

Ça ne doit pas être si compliqué de dire ce qu’est ce « filtre Fanny ». Je sais qu’il est fin et brute, poreux, aquatico-transparent. Je sais qu’il a pu me mener par le bout du nez et me passionner. Je sais qu’il est imprégné d’enfance, non pas la mienne, mais le sentiment qui l’accompagne, de pensées magiques, je sens son exigence mais je ne parviens jamais à la suivre, je sais qu’il n’est pas naïf mais enthousiaste, je sais qu’il aime penser, bouger, sentir, vibrer. Je sais que ce principe est une tension extrêmement forte et paradoxale, une ambiguïté entre souplesse et force, ou plutôt élan de souplesse pour l’accueil du monde perçu et nécessité d’une force spirituelle pour demeurer sur ce sentier en-de création.

Vivre d’art (et oui, d’eau fraîche) c’est exactement expérimenter, imaginer au-delà du policé, comme un cousin du sauvage, cet endroit là où les espaces se parlent, se composent tout en s’improvisant ensemble. Et réunir ces conditions là de vie/art est à réajuster à chaque instant, il nourrit et épuise en même temps, mais comment sincèrement vivre autrement? »

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